Pauline Hillier, Les contemplées

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Les contemplées

D

es femmes. Des femmes derrière les barreaux, emprisonnées parce qu’elles ont contrevenu au droit tunisien. Des femmes détenues dans des conditions précaires contre lesquelles le dernier rempart est une indéfectible solidarité.

Ces émouvants et beaux portraits, ce sont ceux que dresse dans Les contemplées (La manufacture de livres) Pauline Hillier, ex militante Femen, qui a partagé leurs destins lors de son incarcération à la Manouba de Tunis. Alors bien sûr il y a la description des conditions particulièrement difficiles de sa propre arrestation, son effarement devant ce qui lui arrive pour avoir simplement manifesté. Mais très vite la situation de l’autrice s’efface pour laisser place aux trajets de vie de ses codétenues qu’elle recueille, malgré la barrière linguistique, en échange de la lecture des lignes de leur main. Elles sont meurtrières, consommatrice de stupéfiant, fraudeuse à un examen ou juste adultères.

Loin de tout angélisme (l’autrice a été incarcérée dans un « quartier soft »), nombreuses ont cependant sans doute en commun d’être des délinquantes sociales, victimes d’un ordre qui donne tout pouvoir aux hommes sur les femmes et qui ne leur aura laissé que très peu de choix, parfois, les mauvais. Alors oui, battue par un père, par un frère puis par un mari, La Cabrane « chef » du pavillon D, tuera froidement ce dernier quand il lèvera la main sur une de ses filles et s’en ira achever le travail en liquidant ceux qui la violentent depuis toujours. Alors oui, la vieille Boutheina, qui se cache derrière le rideau de sa couchette a sans doute tué elle aussi, même si elle s’en défend, parce qu’elle a voulu protéger ce qu’enfin en tant que femme elle avait réussi à posséder. Au milieu de ces récits brisés, l’autrice voit soudain son sens du Juste et du Bien vaciller ; elle sent que les faits sont muets si on ne sait pas ce qui a conduit les autrices à les commettre. Alors aussi dangereuses qu’elles soient, indéniablement coupables pour certaines, ces femmes lui donnent une leçon d’humanité exceptionnelle et bouleversante. Elles sont nées femmes, là-bas, par hasard. Les verrous se sont refermés sur elles. La sororité est leur ultime dignité.

Article tiré du compte Instagram À travers le miroir. Le copyright de cet article a été soumis au consentement de son auteur.

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