Ahmet Altan, Madame Hayat

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Madame Hayat

« A

u pire on meurt », c’est cette phrase d’une magnifique insolence vis à vis de l’existence qu’adresse la solaire et déjà un peu âgée « Madame Hayat » au jeune héros Fazil, qui tombe rapidement sous ses charmes. Tout vient de basculer dans la vie du jeune homme avec la mort de son père, sa récente pauvreté, et peut-être tout simplement la découverte du monde, qu’il avait jusque-là ignoré.

Celle qui va le guider dans ce qui prend la forme d’un roman d’apprentissage, c’est un très attachant personnage féminin, une femme tout en courbes et voluptés qui n’a peur de rien, qui veut résolument vivre l’instant présent et qui surtout ne renonce jamais au courage d’être elle-même. Étudiant et passionné de littérature, Fazil, que son espiègle maitresse fan de reportages télé baptise Marc-Antoine, tant il semble dans une réalité alternative faite de livres et de références, est aussi séduit par une autre femme, Sila, dont l’histoire, l’âge et le milieu sont les siens.

Car ce roman d’amour vif, sensuel et drôle peut aussi se lire comme la métaphore du choix qui se présente aux turcs, dans une société en totale décomposition, entre le combat pour la liberté et la tentation de la fuite. Ahmet Altan a écrit ce livre, comme ses deux précédents ouvrages, dans les geôles de la Turquie de Recep Erdoğan, où il a été détenu entre 2016 et 2021, comme son père avant lui et son frère également. Ode à la liberté et au courage, ces pages attestent avec panache que la littérature possède une propriété magique, celle de savoir traverser les murs et d’être une arme absolue contre l’arbitraire et l’enfermement. Lors d’une de leurs belles rencontres, mêlant sexe, cuisine et reportages télévisés, Madame Hayat, demande au héros de choisir un moment, un seul, dont il se rappellera toute sa vie et qui lui assurera qu’elle ne sera jamais oubliée. Il se pourrait bien que nous aussi, lecteurs, nous gardions dans un coin de notre bibliothèque personnelle un peu de la générosité et de la grâce de Madame Hayat. A l’instar des derniers mots de Fazil, « J’attends », Ahmet Altan démontre qu’écrire peut aussi nourrir, sans faillir, la résistance et l’espérance en de jours meilleurs.

Lors d’une de leurs belles rencontres, mêlant sexe, cuisine et reportages télévisés, Madame Hayat, demande au héros de choisir un moment, un seul, dont il se rappellera toute sa vie et qui lui assurera qu’elle ne sera jamais oubliée. Il se pourrait bien que nous aussi, lecteurs, nous gardions dans un coin de notre bibliothèque personnelle un peu de la générosité et de la grâce de Madame Hayat. A l’instar des derniers mots de Fazil, « J’attends », Ahmet Altan démontre qu’écrire peut aussi nourrir, sans faillir, la résistance et l’espérance en de jours meilleurs.

Article tiré du compte Instagram À travers le miroir. Le copyright de cet article a été soumis au consentement de son auteur.

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