Goliarda Sapienza, L’université de Rebibbia

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L'université de Rebibbia

« Ici les échelles de valeur de chacun se manifestent avec une clarté absolue, et il n’y a pas moyen de cacher aux autres, et encore moins à nous-mêmes, notre nature. Cela m’éclaire enfin sur la vraie raison de la terreur que nous avons tous de la prison : nous savons ataviquement que là-dedans il ne nous sera plus possible de faire tenir debout la “construction idéale” que nous-mêmes, aidés par la culture, l’argent, les bonnes manières, nous nous sommes soigneusement édifiées dehors. Ici revient en vigueur, souveraine, la sélection naturelle. »

Goliarda Sapienza, L’Université de Rebibbia

E

n 1980, Goliarda Sapienza commet un vol de bijoux dans le but de se faire incarcérer et expérimenter le quotidien des détenues en prison. « Je voulais seulement, en entrant ici, prendre le pouls de notre pays, savoir à quel point en sont les choses », écrit-elle dans « L’Université de Rebibbia », ce magnifique roman autour duquel nous nous sommes retrouvés mardi 06/12/2022, à l’occasion de notre club de lecture Sinergie letterarie.

Pendant son séjour dans le plus grand pénitentiaire de Rome, l’autrice côtoie toutes les proscrites de l’époque : marginales, droguées, gitanes, d-ealeuses, assassines, militantes d’extrême gauche… c’est un véritable univers qui s’ouvre à elle, vif et hétéroclite, où les normes sociales sont beaucoup moins écrasantes qu’à l’extérieur et une solidarité spontanée unit les prisonnières. Mais l’expérience de la prison, surtout au cours des premiers jours, n’est guère une partie de plaisir pour l’autrice : l’isolement, la saleté, la puanteur, la peur face aux règles non écrites de la prison mettent à dure épreuve Goliarda, qui pourtant parvient, en peu de temps, à se faire une place dans ce grand village qu’est Rebibbia, grâce à son intelligence intuitive, à son empathie, et à sa profonde curiosité. Ainsi, le malaise physique et psychique causé par la prison est vite contrebalancé par l’euphorie de rencontres vivifiantes et stimulantes et de conversations enjoués qui lui font voir dans Rebibbia « un endroit à payer au prix fort… comme une grande université célèbre ». 

L’Université de Rebibbia est sans aucun doute un petit chef-d’œuvre de la littérature italienne : un roman juste et touchant, enrichi de ­magnifiques portraits de détenues, souvent émouvants et chaleureux. Peut-être la meilleure porte d’entrée pour aborder cette écrivaine hors du commun, si peu reconnue de son vivant.

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