Viola Ardone, Le choix

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Le choix

S

icile 1960, Oliva a quinze ans. C’est elle qui va s’exprimer dans presque tout le roman. Elle vit avec sa famille dans un petit village. Ils ne sont pas riches et essaient de s’en sortir avec le potager, les poules, des petits boulots. À cette époque, dans ce coin d’Italie du Sud, les femmes ne sont pas maîtresses de leur destin ou si peu. On leur impose un mari, elles font des enfants, elles tiennent la maison et …se taisent et obéissent. Choisir un métier, aimer celui qu’on souhaite, dire « non », ce n’est pas vraiment possible ou alors à quel prix ?

Oliva aime la vie, elle adore courir, découper des gens célèbres dans des revues, jouer avec son bon copain même s’il boîte un peu, elle a envie d’apprendre tout un tas de choses. Son père est un sage, il comprend le besoin de liberté, d’indépendance de sa fille et plusieurs fois, il sera là pour la soutenir. Sa mère est plus « à l’ancienne », il ne faut pas faire de vague, se couler dans le moule et se taire, chut….

« Une fille, c’est comme une carafe : qui la casse la ramasse, dit toujours ma mère. »

Dans les trois premières parties, c’est Oliva qui s’exprime. Dans la dernière, 1981, une vingtaine d’années après, les chapitres sont partagés entre le ressenti de son père et le sien.  Elle explique que certains mots, dans le dictionnaire de son institutrice, n’existe qu’au masculin (juge, notaire, ministre…). Son amie Liliana, qui a grandi dans une famille communiste, lui dit que le changement doit venir des femmes du Sud. Pendant des siècles, on leur a appris à se taire, maintenant elles doivent apprendre à faire du bruit…. Mais que c’est difficile de s’opposer aux conventions, au patriarcat, au mode de fonctionnement ancestral et accepté de presque tous.

Lorsqu’Oliva va devoir se plier à une règle terrible (et injuste), elle se décide à combattre. Aidée par plusieurs personnes, elle avance. Le chemin est long, douloureux. Va-t-elle s’éteindre et devenir transparente ou vivre libre ? Pourra-t-elle, un jour, prononcer les mots suivants : « Je suis venue acheter avec l’argent de mon salaire ce qu’un jour, il y a bien longtemps, tu as voulu me donner de force. Ce que j’y ai gagné ? La liberté de choisir. »

J’ai immédiatement remarqué que Oliva Denaro est l’anagramme de Viola Ardone. Pourquoi ? Pour donner plus de poids à sa parole, à son écrit ? Pour faire corps avec son héroïne ? Parce qu’elle lui ressemble, avec un côté rebelle en osant dénoncer dans son récit des faits réels, graves, inadmissibles et inconcevables portant au jour ce que des femmes ont subi, en silence la plupart du temps dans les années soixante ? Je n’ai pas de réponse… Ce qui est sûr, par contre, c’est que j’ai beaucoup apprécié cette lecture (merci à la traductrice). On ressent le mal-être d’Oliva, le côté coincé de sa mère, la volonté de son père de faire ce qu’il peut. On imagine les scènes dans le village avec les mauvaises langues qui se déchaînent dans son dos, sans savoir…. Oliva est volontaire, c’est une femme qui a du caractère, elle est vivante et veut le rester. En lui donnant la parole, l’auteur nous rappelle que des femmes, dans différents lieux du monde, doivent encore, à notre époque, se battre pour leur indépendance. Mais comment faire face aux communautés imperméables, fermées, où trouver le courage de dénoncer car il peut y avoir des représailles ? Comment prouver que la femme n’est pas complice, consentante ? Pourquoi l’homme est-il cru dès qu’il dit ouvre la bouche alors que la femme doit prouver sa bonne foi ? Autant de faits révoltants qui sont parfois encore d’actualité.

En nous présentant tout cela, l’auteur nous fait une piqure de rappel, ne laissons pas de tels actes se perpétrer encore et encore…

Article tiré du blog La Constellation livresque de Cassiopée. Le copyright de cet article a été soumis au consentement de son auteur.

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