près « La goûteuse d’Hitler » (2019), la journaliste et éditrice italienne Rosella Postorino (1978) revient avec « Et moi, je me contentais de t’aimer » (2023), un très beau roman à hauteur d’enfants inspiré de faits réels.
Depuis le début du siège de Sarajevo en 1992 et sur une période de près de vingt-ans, Rosella Postorino nous plonge dans la vie de plusieurs enfants conduits en Italie pour des raisons de sécurité.
« Que faisais-je tandis que l’Histoire avançait ? moi, je me contentais de t’aimer. »
En se basant sur des témoignages d’enfants bosniaques transférés en Italie pendant le siège de Sarajevo au début des années nonante, elle raconte la guerre, la mort, la perte et la peur, immenses et dévastatrices. Elle dit le déracinement, le déchirement de l’exil et la douloureuse reconstruction de ces enfants – certains sont orphelins, d’autres ont été arrachés à leurs parents -, des enfants en perte totale de repères dans un pays inconnu dont ils ne maitrisent ni la langue ni les coutumes. Mais elle raconte la puissance de l’espoir aussi, l’amour incommensurable d’un fils pour sa mère, un amour qui le porte envers et contre tout, malgré l’éloignement, malgré les années qui passent.
« Et moi, je me contentais de t’aimer », c’est l’histoire d’Omar, un garçon de dix ans durement et profondément marqué par la séparation avec sa mère, survenue dans la rue après qu’une bombe a explosé. C’est celle de son frère aîné Sen, douze ans; celle de Nada, une orpheline qui a honte de son doigt manquant et porte un prénom signifiant à la fois « rien » en espagnol et « espoir » en bosniaque. C’est celle de son frère Ivo qui n’est pas autorisé à accompagner sa soeur en Italie car il est en âge de partir au combat. Celle de Danilo, un fils de bourgeois qui les rejoint dans le car à destination de l’Italie en compagnie de sa mère, lui. C’est l’histoire enfin, de tant d’autres enfants dont la vie a été brutalement et irrémédiablement bouleversée en cette année 1992, des enfants qui non seulement ont vu la guerre et ses atrocités faire brutalement irruption dans leur vie mais qui ont aussi et surtout été arrachés à leur pays et à ceux qu’ils aiment.
En alternant les chapitres consacrés à Omar et Sen, Nada et Ivo ou encore à Danilo, Rosella Postorino évoque avec beaucoup d’humanité la solitude, la peur, l’importance des liens amicaux ou familiaux et la force de l’amour fraternel. À travers leurs parcours, elle dit la douleur de l’exil, les difficultés d’adaptation dans un nouvel environnement parfois hostile, l’importance de l’acquisition de la langue dans la construction sociale. Elle raconte les familles d’accueil, la rébellion, les souvenirs et le mal du pays. La douloureuse quête identitaire. Et puis, enfin, elle raconte la tragédie de ces enfants oubliés en Italie après la fin de la guerre.
Ce n’est pas encore demain la veille que je risque de me lasser des autrices italiennes… Quelle lecture poignante!
Article tiré du blog Livr’escapades . Le copyright de cet article a été soumis au consentement de son auteur.