oup de cœur !
Une fois n’est pas coutume, je vais d’abord parler des dernières pages, qui contiennent la note de l’autrice. Elle explique la genèse de ce roman et de quelles femmes elle s’est inspirée pour écrire. C’est non seulement intéressant mais édifiant pour cerner tout ce qu’elle a voulu exprimer.
Maintenant, parlons des premiers mots « Toutes les vies commencent avec une femme. » Le ton est donné, il sera question de femmes, mère, épouse, fille, collégienne, lycéenne, étudiante, volontaire, rebelle, têtue, fougueuse, belle et ensorcelante. La première scène racontée par la narratrice est presque violente, bienvenue dans son monde. Sa Maman, Antonia, s’est introduit par ruse auprès des responsables de logements car elle en attend un pour sa famille (un mari, un fils d’une première union, deux jumeaux plus jeunes et Gaïa) et elle a fait un scandale. Gaïa sait ce qui s’est passé, elle connaît sa génitrice, aussi entêtée qu’imprévisible. Elle a sans doute le sentiment qu’elle s’est « donnée en spectacle », que ça va se savoir et elle a honte…
Et puis, elle nous entraîne à sa suite et on reste scotchée. Actions, émotions, tout est décrit avec une force et une finesse inégalées, on est au cœur du quotidien de cette famille où la mamma porte tout à bouts de bras. Elle veut le meilleur pour tous, mais ce n’est pas forcément possible. Alors Gaïa, seule fille de la fratrie, est en colère, ça la ronge et parfois, c’est le tsunami, ça explose. Elle se sent exclus car elle n’a pas les mêmes moyens que ses camarades, elle lutte, elle ne veut pas être jalouse. Elle s’isole, refuse de se confier, décide de ce qu’elle veut faire, même si elle sait qu’elle a tort.
Parfois, il y a un « répit », on se dit que tout va être plus calme, plus « normal », plus rangé, plus « normé » mais Gaïa a souffert, souffre encore et son insurrection ressort, comme une marque de fabrique, une obligation. Elle ne sait pas, ne peut pas, subir et se taire. Pour elle c’est impossible. Sa carapace la protège comme une armure mais elle se fendille aussi et une vague l’emporte vers d’autres souhaits… Elle se protège en permanence car elle ne veut pas faire confiance, la trahison, elle a connu, elle n’en veut plus.
Ce récit parle de pauvreté, une pauvreté de notre époque, quand l’absence de télévision ou/et de téléphones portables vous fait passer pour un zombi. Les autres thèmes évoqués et magnifiquement présentés sont l’amitié, l’amour, les relations familiales… Et puis, il y a ce lac, intimement lié à la vie de cet enfant que l’on voit grandir au fil des pages. Il tient de la place lui aussi, enivrant, dangereux Gaïa est avide de liberté, elle veut être maîtresse de son destin, mais toujours quelque chose se met en travers de son chemin…
Les personnages sont bien étudiés, ils ne sont pas « lisses » et les relations ne sont pas évidentes. Le regard et l’opinion des autres sont lourds et difficiles à accepter… L’écriture est fluide, presque parlée, pas de tirets ni de guillemets pour les dialogues, seulement le flux des mots ininterrompu, qui se bousculent parfois lorsqu’il y a trop à exprimer. Une atmosphère se détache des pages, on est présent dans le récit, on assiste impuissant à certains dérapages, on voudrait tant qu’une esquisse de calme et de bonheur arrive dans cette « maison ».