es choses qui s’en vont est un délicieux album illustré pour enfants (mais pas seulement !) qui aborde, de manière originale, le thème du temps qui passe et transforme les êtres et les choses. Mais c’est pour mieux nous conduire vers ce « quelque chose » qui, à la différence de tout le reste, ne passe jamais. Une histoire douce et ironique, dans laquelle les personnages sont tous dotés d’une grande et imparfaite humanité.
Avec une écriture simple et mesurée l’autrice décrit, à travers des images chaudes, le caractère transitoire et éphémère des choses. La vie est faite de moments, de parenthèses de temps qui disparaissent, passent ou mutent. Par exemple, les pensées noires disparaissent (elles ne durent pas pour toujours), les larmes s’assèchent, les peurs nocturnes s’en vont. N’est-il pas rassurant de le reconnaître ?
Et non seulement notre monde intérieur est en perpétuel bouleversement et changement, mais aussi les vicissitudes concrètes du quotidien : le sommeil, les bulles de savon, même les poux détestables, tôt ou tard ils s’en vont.
Pour réussir à représenter le temps qui passe, Beatrice Alemagna se sert du papier glacé qui permet à l’image de disparaître, en migrant sur l’image précédente de manière harmonique, créant une sorte de mouvement temporel extrêmement créatif. Dans le mouvement de ce papier qui fait passer les choses d’une page à l’autre est contenu tout le sens du livre : le papier glacé symbolise le passage du temps, le cheminement de l’enfant qui grandit et apprend à apprivoiser ses peurs, ses soucis. Nous sommes dans le plein flux, dans le « tout coule » d’Héraclite, qui nous rappelle que tout ce qui nous entoure, et ce que nous sommes, passe.
Si je devais repérer un sentiment que j’ai ressenti en parcourant ces pages, je dirais la mélancolie, mais pas une mélancolie triste. Je pense à cette mélancolie qui accompagne la conscience, que chaque enfant tôt ou tard commence à avoir, de la nécessité de grandir, de voir les choses changer autour de lui/d’elle: le temps du jeu, les vêtements, la taille, les gens, les copains/copines… Une mélancolie qui peut prendre au ventre mais qui trouve toujours un soulagement dans l’étreinte et la certitude, que c’est à nous adultes de rendre absolue, qu’il y a vraiment quelque chose qui ne passe pas et ne passera jamais.
Finalement, grâce à une construction par litote, cet album n’est pas tant un livre sur les choses qui passent mais plutôt sur ce qui ne passe PAS. Et cette certitude est tellement certaine qu’il n’y a même pas besoin de la nommer, elle existe. Cette chose qui ne passe jamais est, tout simplement mais très certainement, L’AMOUR, que ce soit celui d’un parent pour son enfant ou celui que nous devons à tout petit homme, qui ne cherche qu’à être aimé et accompagné.