Lorenzo Mediano, Du givre sur les épaules

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Du givre sur les épaules

A

rrivé second du petit concours organisé par les éditions Zulma pour déterminer le numéro 100 de leur collection Z/a, « Du givre sur les épaules » de l’espagnol Lorenzo Mediano est une pépite, un de ces livres qu’on peut confier à tous types de lecteurs, tant il coche toutes les cases de ce qui fait un « classique ».

D’abord une construction judicieuse qui laisse à un instituteur de village le soin de nous dévoiler le grand événement qui survint à Biescas de Obago, juste avant le déclenchement de la guerre civile ; événement pour lequel il se sent un devoir de nous transmettre sinon LA vérité, toujours complexe et multiface, mais sa simple vérité de témoin, toute baignée de modération et de justesse.

Ensuite le texte d’un véritable conteur, avec une histoire qui ne lâche pas le lecteur avant l’ultime paragraphe, servie par la belle traduction de Hélène Michoux.

Mais surtout un texte qui s’attache à sujet grave, central et inépuisable, celui de l’inégalité qui règne partout et de tous temps mais qui cependant insolemment demeure. Pourtant Ramón le berger exceptionnel de Casa Torrera, qui a eu l’impudence de tomber amoureux de la fragile, Alba, fille du maître de maison, va tout faire pour s’en rendre digne et donner un avenir à leur amour partagé. Mais ici comme partout, l’ordre immuable ne doit pas être remis en cause. Cet ordre c’est que les plus riches doivent s’unir aux plus riches, que le travail, l’ardeur et l’abnégation ne sauraient jamais, non jamais, suppléer à la hiérarchie des castes. Alors ils vont lutter, braver les interdits, la faim, le froid et la neige pour parvenir à faire vaciller l’inique ordonnancement du monde. Cette histoire toute symbolique est d’une grande force. 

Lorenzo Mediano livre une analyse très subtile de la société aragonaise quasi féodale du début du XXème siècle, figée dans un ordre machiste, et violent, qui promet la mort aux filles qui naitraient avant les garçons tant attendus, qui assure aux femmes coups et asservissement, qui maintient les pauvres dans la dépendance et qui place la terre au-dessus de tout, même des hommes qui donnent leur vie pour la cultiver. Une inoubliable histoire d’amour et de sang mêlés.

C’est à la fois un conte populaire, une fable politique et un petit chef-d’œuvre de suspense.

Article tiré du compte Instagram À travers le miroir. Le copyright de cet article a été soumis au consentement de son auteur.

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